CNIDOSPORIDIES

CNIDOSPORIDIES
CNIDOSPORIDIES

Dans la classe des Cnidosporidies, on groupe un ensemble fort hétérogène d’organismes microscopiques qui n’ont en commun que le fait d’être parasites de Vertébrés ou d’Invertébrés et de posséder une spore unicellulaire ou pluricellulaire de structure complexe contenant un germe amiboïde. En effet, bien qu’on ait affaire à des Protozoaires, cette spore est parfois formée de plusieurs cellules hautement différenciées, ce qui confère à ces parasites une place incertaine dans la systématique. Les études de microscopie électronique ont conduit les spécialistes à isoler les Microsporidies toujours unicellulaires des Cnidosporidies sensu stricto dont la spore est pluricellulaire. Chez ces dernières espèces, la différenciation de cellules somatiques, la production de cnidocystes rappelant les nématocystes des Cnidaires semblent les rapprocher des Métazoaires, mais les incertitudes qui subsistent sur leur cycle évolutif et leur sexualité empêchent toute interprétation certaine.

Étude d’un type: «Myxobolus Pfeifferi»

Cycle évolutif

Le Myxobolus Pfeifferi (fig. 1) est un parasite des barbeaux. On trouve ces Cnidosporidies dans les muscles et le tissu conjonctif du poisson où elles forment des tumeurs parfois volumineuses, contenant des spores plurinucléées mises en liberté à la suite de l’éclatement de l’abcès. Ces spores ingérées par un autre poisson libèrent dans l’intestin le germe amiboïde, le sporoplasme (fig. 1 a), qui pénètre dans une cellule, musculaire le plus souvent, où il s’accroît. Son noyau subit des divisions répétées et le cytoplasme se fragmente en éléments uninucléés qui pénètrent dans d’autres cellules. Cette phase peut être assimilée à une schizogonie. Puis les noyaux se divisent sans qu’il y ait scission du cytoplasme. Il se forme ainsi un plasmode plurinucléé qui devient extracellulaire (fig. 1 b). Parfois l’organisme infecté réagit et un kyste se constitue autour du parasite. Le plasmode (qui se trouve donc à l’état syncitial) contient des noyaux végétatifs qui se multiplient par amitose et des noyaux propagateurs qui se divisent par mitose. Ces derniers s’isolent au sein de petites masses de cytoplasme et forment des «cellules endogènes», ou «énergides» (fig. 1 c). Le parasite revient donc à l’état cellulaire.

L’interprétation cytologique des cellules endogènes reste controversée: certains auteurs y voient une phase de gamogonie, niée par d’autres observateurs. Il est cependant certain que chaque énergide donnera naissance à deux spores après une évolution qui peut être résumée de la façon suivante: chaque cellule endogène se divise deux fois et il en résulte une ébauche tétracellulaire appelée pansporoblaste, formée de deux grandes cellules et de deux petites (fig. 1 d). Les deux petites dont les noyaux sont résiduels formeront l’enveloppe du pansporoblaste. Les deux grandes cellules, ou sporoblastes, donneront chacune une spore, car leur division donne six noyaux fils (fig. 1 e) qui correspondent aux six noyaux de la spore: deux cellules valvaires, deux capsules polaires et deux noyaux du germe amiboïde (fig. 1 f). Dans la spore même, les deux noyaux du germe fusionneront sans qu’on sache si ce phénomène de caryomixie est en rapport avec la sexualité.

Structure de la spore

Cette spore plurinucléée est la singularité la plus marquante des Cnidosporidies. Elle est à l’origine formée de six cellules (fig. 1 g). Les deux cellules valvaires, en dégénérant, forment la coque. Les deux capsules polaires ou cnidoblastes sont pourvues d’une très vaste vacuole à l’intérieur de laquelle se différencie un cnidocyste, organite spiralé qui se déroulera lors de l’éclatement de la spore. Les deux derniers noyaux participent à la formation du germe amiboïde infestant.

Les capsules polaires décrites par Thélohan dès 1895 n’ont pas manqué depuis lors d’exciter la curiosité des chercheurs. Leur ultrastructure a été étudiée au moyen des techniques de la microscopie électronique. C’est ainsi que Cheissin (1961) a étudié les spores de deux espèces de Myxobolus des fleuves russes tandis que P. de Puytorac (1963) s’attachait à l’étude des Actinomyxidies (Sphaeractinomyxon ) et des Microsporidies (Mrazekia ) des Oligochètes. Chez ces dernières, P. de Puytorac observe même que le cnidocyste a une structure voisine de celle des cils. Mais malgré l’apparence pleine du filament, certains auteurs le considèrent comme tubulaire et plusieurs pensent même qu’au moment de l’éclatement de la capsule il y aurait retournement en doigt de gant. Quoiqu’il en soit, il peut s’ancrer dans l’épithélium intestinal de l’hôte qui a absorbé la spore. Cette structure tout à fait semblable aux cnidocystes des Cnidaires a tout d’abord semblé unique chez les Protistes, mais R. Hovasse (1965), dans une étude d’ensemble sur les trichocystes, cnidocystes et colloblastes, montre que ces organites constituent une série morphologique dont les exemples peuvent être choisis parmi les Protistes les plus divers (Cnidosporidies, Ciliés, Cryptomonadines, Péridiniens, etc.) aussi bien que parmi les Métazoaires (Cnidaires et Cténaires), sans aucune discontinuité.

Cet auteur insiste d’une part sur l’origine vraisemblablement centrosomienne (indirecte) de tous ces organites dont les ressemblances ne résulteraient pas de convergences, mais de véritables homologies liées au pouvoir d’organisation ou d’induction du centrosome.

Sexualité des Cnidosporidies

Cette question a été très controversée et ne semble pas résolue. Des phénomènes de sexualité ont été décrits, soit au niveau de la spore et du sporoplasme, soit au moment de la formation des plasmodes et des énergides sans qu’aucune certitude reste acquise. L’opinion qu’il n’existerait pas de phénomènes sexuels chez les Cnidosporidies a même été émise (Schuurmans et Stekhoven, 1919).

Pour Mercier (1909) et Parisi (1910), le germe resterait binucléé, même après l’éclosion. Il n’y aurait qu’un seul acte sexuel, anisogamique, au début du cycle sporogonique, dans le plasmode.

D’après Schröder, Keysselitz et d’autres observateurs, l’acte sexuel se situerait au contraire dans la spore elle-même peu après l’éclosion et correspondrait à la fusion des deux noyaux du sporoplasme.

Naville (1931) essaie de concilier les opinions précédentes. D’après son interprétation, il y aurait deux phases de sexualité successives: l’une dans la spore (les deux noyaux du sporoplasme constituant un stade dihaploïde) et une autre au niveau des énergides. Mais un tel cycle n’a été décrit que par Naville et d’autres auteurs (Georgévitch, 1937; Noble, 1944) pensent au contraire que le cycle est diploïde et que les phénomènes réductionnels précèdent immédiatement la caryomixie dans la spore. La plupart des auteurs actuels partagent cette opinion et pensent que les deux noyaux de sporoplasme sont haploïdes tout au moins chez les Myxosporidies.

Chez les Microsporidies, les examens ultra-structuraux ont mis en évidence des figures qui indiqueraient la présence d’une méïose et donc d’une sexualité (Loubes et al., 1976).

Systématique

Les Cnidosporidies doivent être divisées en deux grands ensembles: les Microsporidies (qui formeront sans doute ultérieurement une classe indépendante), toujours unicellulaires et possédant une seule cupule polaire, et les Cnidosporidies stricto sensu. Ces dernières se répartissent en deux ordres qui peuvent être définis de façon approximative par leurs capsules polaires qui sont au nombre de deux chez les Myxosporidies et de trois chez les Actinomyxidies.

Les Microsporidies

Les Microsporidies sont des parasites intracellulaires de très petite taille dont la spore qui ne présente qu’une seule capsule polaire est toujours unicellulaire, contrairement à ce qu’on a cru pendant très longtemps. Ce sont donc des Protozoaires incontestables. La microscopie électronique a permis de donner une image précise de l’ultrastructure de cette spore (fig. 2) qui comprend: a) l’enveloppe externe; b) l’appareil d’extrusion, formé lui-même de la capsule polaire et du filament polaire, du polaroplaste lamellaire et vésiculaire et de la vacuole postérieure; c) le sporoplasme, qui est représenté par les éléments classiques de la cellule, c’est-à-dire le cytoplasme avec ribosomes et réticulum endoplasmique, ainsi que l’appareil nucléaire, formé d’un noyau simple ou double. Il ne semble pas y avoir de zone spécialisée qui correspondrait au «germe» décrit classiquement (Vivier, 1979).

Les Microsporidies parasitent presque tous les embranchements mais plus particulièrement les Arthropodes. Les espèces qui attaquent le ver à soie et l’abeille sont les plus célèbres en raison de leur importance économique. Cependant toutes les espèces de Microsporidies ne sont pas nuisibles et celles qui parasitent les moustiques, la Cochylis de la vigne, etc., jouent un rôle utile dans les équilibres naturels et pourraient être utilisées dans la lutte biologique contre ces insectes.

La pébrine et les travaux de Pasteur

Maladie du ver à soie, dont l’agent est Nosema bombycis , la pébrine provoqua la ruine de la soierie française de 1854 à 1867. La maladie se traduit extérieurement par l’apparition de taches brunes en grain de poivre sous la peau, mais la Microsporidie peut attaquer tous les organes. La spore ingérée par la chenille s’ouvre sous l’action de sucs intestinaux, le filament se dévagine, l’amibe sort; elle pénètre dans l’épithélium de l’intestin. Elle s’y reproduit par division avant de sporuler. De l’épithélium intestinal, le parasite passe dans le sang et finalement dans tous les tissus y compris les ovaires. Souvent la chenille meurt, mais un grand nombre de vers parasités peuvent tisser leur cocon et donner des papillons qui pondent et transmettent la maladie à la génération suivante. Cette transmission héréditaire du germe fut découverte par Pasteur qui préconisa les mesures prophylactiques fondées sur la sélection des reproducteurs. Cette méthode de lutte est un véritable chef-d’œuvre d’élégance et de simplicité. Elle consiste à isoler les pontes de chaque papillon en conservant le cadavre pour rapidement l’examiner. Toutes les pontes issues d’une femelle atteinte sont éliminées. Cette méthode de grainage permit de sauver rapidement la sériciculture; elle est encore valable aujourd’hui.

«Nosema apis», agent de la dysenterie des abeilles

Ce parasite vit dans l’épithélium de l’intestin moyen et des tubes de Malpighi des adultes d’Apis mellifica . Les abeilles perdent la capacité de vol puis meurent. La maladie s’accompagne de diarrhées ou de constipation. Les abeilles saines s’infectent en absorbant du miel souillé. Il est vraisemblable que les abeilles sont souvent parasitées sans en souffrir et la maladie ne devient grave que lorsque les conditions climatiques sont défavorables (température, pluviosité). Elle sévit le plus souvent au printemps.

Le bon entretien des ruches et les méthodes prophylactiques constituent les meilleurs moyens de lutte. En cas d’épidémie, le miel de la ruche sera stérilisé, les rayons de cire fondus, la ruche soigneusement désinfectée, ainsi que tous les récipients et abreuvoirs.

Les Mixosporidies

Leurs spores présentent deux capsules polaires. Les Mixosporidies sont typiquement des parasites des poissons chez lesquels elles produisent les maladies les plus diverses.

Myxobolus Pfeifferi qui nous a servi de type provoque la formation de tumeurs chez les barbeaux; une espèce voisine, Myxobolus cyprini , provoque chez les carpes d’étang la «variole», maladie qui se caractérise par des taches blanchâtres sur la peau. Les animaux atteints meurent généralement; les muscles ne sont pas touchés et les poissons sont consommables. Pour lutter contre cette maladie, il faut assécher l’étang, en chauler le fond et repeupler avec des animaux sains. D’autres espèces parasitent les reins des poissons (par exemple le Myxidium Lieberkühni chez le brochet). Enfin Myxosoma cerebralis détruit les cartilages du crâne, de l’appareil auditif et des arcs branchiaux chez la truite et détermine une maladie grave appelée le «tournis» parce que les poissons atteints se mettent brusquement à tourner sur eux-mêmes plusieurs fois de suite avec rapidité; puis, exténués, ils s’arrêtent et tombent sur le fond et se remettent à nager normalement jusqu’à la crise suivante.

Les Actinomyxidies

Les espèces de ce petit ordre s’observent chez les vers marins (Sipunculiens) ou d’eau douce (Oligochètes) et n’ont de ce fait aucune importance économique. Les spores sont munies de trois capsules polaires.

Affinités des Cnidosporidies

La formation de spores pluricellulaires et la présence d’éléments somatiques aussi hautement différenciés que les cnidoblastes assignent aux Cnidosporidies une place particulière dans la classification. L’apparition d’un organe pluricellulaire semble les éloigner des Protistes et la structure des cnidocystes fait songer aux Cnidaires. Cependant leurs stades amiboïdes, leur cycle, les rapprochent des Protozoaires. D’autre part, les études de R. Hovasse ont montré que les cnidocystes (ou les organites similaires) ne sont pas une exclusivité des Cnidaires, encore moins des Métazoaires en général.

Aussi la place des Cnidosporidies restet-elle incertaine. Pour de nombreux zoologistes, elles sont plus proches des Métazoaires que des Protistes. Certains (Stole, Emery, Ikeda...) y voient mêmes des Métazoaires très dégradés, dont les affinités nous sont actuellement inconnues.

De toute façon, ils ne peuvent pas constituer la souche des Métazoaires malgré la séparation nette entre un germen, potentiellement immortel, et un soma, périssable, que l’on peut décrire chez ces animaux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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